Le folklore estudiantin liégeois.

Lorsqu'il réalise Le dompteur de taureaux, dans son atelier parisien, Mignon a déjà rencontré un certain succès avec son Combat de taureaux dans la campagne romaine, gardant une vision réaliste des choses.
Lors de l'exposition rétrospective de l'Art belge qui se déroule à Bruxelles en 1880, le plâtre original du Dompteur de taureaux est remarqué par le ministre belge de l'intérieur Gustave Rolin-Jaequemyns (1835-1902). Celui-ci propose à la Ville de Liège de l'acquérir.
Tout dans ce groupe évoque le mouvement, par opposition au Bœuf au repos (1885-1886), également réalisé par Mignon et érigé face au Dompteur aux Terrasses d'Avroy. Le poids du corps de l'humain est déplacé vers l'arrière dans un effort de traction alors que le corps de l'animal se porte vers l'avant. L'iconographie du Dompteur de taureaux est à rapprocher du mythe d'Hercule combattant le taureau de Crète, thème que Léon Mignon traite sous forme de reliefs pour la rampe d'escalier de l'actuelle bibliothèque royale de Belgique. Le sujet se raccroche aussi à une longue tradition de représentation de l'homme se mesurant à un animal.
Transposée en bronze, l'œuvre est érigée aux Terrasses d'Avroy, dès le 27 juin 1881, au grand dam du quotidien catholique La Gazette de Liège. La sculpture se trouve bientôt au centre d'une polémique qui aurait pour origine la nudité intégrale du dompteur. Notons que dans la réduction en bronze présentée à l'exposition, une draperie a été ajoutée afin de voiler le sexe du personnage.
Aussi lorsque cette statue fut officiellement inaugurée aux Terrasses, les badauds eurent la surprise amusée de constater que Djôzef avait revêtu pour la circonstance un charmant cache-sexe en plomb qu'un adepte de la nudité antique fit d'ailleurs rapidement disparaître.
Cette statue d'un taureau accompagné par un homme nu lui tenant les cornes scandalisa la bourgeoisie de l'époque. Cette dernière demanda à la ville de supprimer ce monument. C'est alors que les étudiants de Liège firent courir une pétition allant à l'encontre des désirs de la bourgeoisie. Heureux de pouvoir contempler en grand à liège ce que les bruxellois possèdent en tout petit (cf manneken pis), les étudiants de notre Alma Mater ne tardèrent pas à élever ce monument au rang de symbole.
Les étudiants peignirent les couilles du taureau en rouge et lorsqu'ils voyaient des bourgeois, ils leur criaient : " As veyêu l'Toré ? ". Les terrasses devinrent le passage obligé de tous les cortèges d'étudiants, ce qui valut plus d'une fois à notre Torê d'être peinturluré ou affublé d'oripeaux hétéroclites.
En 1940, à l'instar de presque toutes les statues liégeoises, notre brave torê prit le maquis, il séjourna pendant cinq ans dans les caves de l'académie des beaux-arts, emmuré en compagnie de la Vierge Delcour, qui ne sembla pas s'offusquer d'un voisinage à ce point insolite.
Nos concitoyens croyaient le Torê disparu à jamais dans les fonderies du Reich. C'est donc avec un enthousiasme considérable qu'ils saluèrent sa réapparition, le 19 juillet 1945. Cet événement miraculeux donna aux étudiants l'idée de commémorer fastueusement une résurrection aussi spectaculaire qui tenait pratiquement du miracle. Sous l'impulsion de Paul Dehousse (Le tonton de Jean-Maurice), président de l'AG et d'André Fiévet, président de la commission folklorique annexée à cette association, le torê fut enfin canonisé, le 12 décembre 1949.
Voici pour l'histoire du Torê et sa canonisation. Maintenant, d'où vient la date de sa fête?
Au 19° Siècle, avant l'apparition des caisses d'assistance publique (ancêtres du CPAS), les œuvres de bienfaisances ne survivaient que par dons et collectes. Dès 1891, une de ces œuvres appelée l'œuvre des convalescents et fondée par l'Association (pas encore royale) des étudiants en médecine, organise une sortie-collecte aux environs de la mi-carême.
Renouant avec cet usage de défilé de la mi-carême, le premier cortêge de la St Torê eut lieu le mercredi 16 Février 1949 et n'eût alors d'ambition que folklorique. C'était devenu l'équivalent liégeois de la St Verhaegen de l'ULB ou de la St Nicolas de Louvain.
De 1947 à 1966, la tradition pût être maintenue. Les cortèges se succédèrent adoptant au fil des années des thèmes généraux très divers quant à la décoration des chars («la flicaille à travers les ages en 1956, le bourgeois fléau social en 1959,...).
En plus de cinquante ans, le Torê en a vu de toutes les couleurs : en 1960, le Torê fût, oh scandale, intégralement peint en blanc et déguisé en vache, tandis que Djôzef était travesti en fermière ! En 1963, le cercle de Biologie lui offrit une vache, enfin...sa tête ! Et en 1996, les psychos le peignirent en rose bonbon.
Hélas, en 1966, la politisation croissante de la vie universitaire eût raison de notre beau folklore : depuis longtemps la guindaille avait fait place à la contestation lorsque le bourgmestre Destenay porta le coup de grâçe à la Saint Torê par l'interdiction de cortège. Dès lors, cette fête ne fût plus fêtée que par quelques cercles en circuit fermé. (Notez qu'avant 1966, cette Saint était organisée par les cercles étudiants et pas par l'AGEL ni les comités de baptême).
Il Fallut attendre 1983 (càd l'année du renouveau des baptêmes à l'ULg) pour assister à la renaissance du cortège traditionnel. Les chars furent maintenus sans trop de problèmes tant que les autorités communales fermèrent l'oeil sur la présence de bière sur ceux-ci.
En 1990, l'interdiction totale d'entreposer et de consommer de la bière sur les chars entraîna leur disparition. Le Cortège continua mais fut de plus en plus déserté.
En 1995, le sympathique commissaire en chef Lovinfosse autorisa l'AGEL à renouer avec la partie bacchique du folklore en autorisant la bière sur les chars. Depuis lors, l'affluence au cortège ne cesse d'augmenter.
Mais il faut savoir que la St Torè a fort évolué enfin son calendrier du moins. Car en 1983 les festivités duraient 5 jours. A l'heure actuelle, ils ne sont donc plus que de trois. Et en 2008 on a failli craindre le pire. Il y avait plusieurs solution qui tournaient du coté des autorités communales.
La première étant de raccourcir la saint Torè d'un jours.
La deuxième était elle garder les trois jours mais les festivités commenceraient le dimanche.

Heureusement, ce plan n'a pas abouti. Quand à la suppression de la St Torè elle a été aussi envisagée. Mais la les étudiant on crier au scandale une pétition a même été mise en ligne elle a eu un succès national. Malgré que l'Agel eu espérer plus de signatures a peu près 10000 signatures ont été recensées.

Mais Saint-Torè n'est que le point d'orgue de toute la “période des Saints”. La Saint-Drums, portant le surnom d'un étudiant en Droit (devenu avocat international), serait née d'une boutade. Alors qu'il lui prit un jour d'offrir un fût de bière dans le bar officiel des étudiants de cette Faculté, il aurait répondu que c'était « en l'honneur de la Saint-Drums » à ceux qui lui demandaient les raisons de son geste aussi généreux qu'inattendu. La fête s'est muée en un grand souper choucroute, avant de trouver sa place dans la période actuelle des Saints, à partir du mois de février, sous le chapiteau. « Les autres Facultés leur ont alors emboîté le pas. Il y eut la Saint-Psycho, la Saint-Mercure des HEC... en rapport avec le dieu du commerce, la Saint-Barbare du Barbou ou la Saint-Ruth du comité Sciences. Cette dernière faisant référence à une chanson chantée sur l'air de la Marseillaise : Venez, venez, petite fille, le jour de ruth est arrivé. »
En tout, une quinzaine de fêtes jalonnent le mois de février. L'occasion pour les thuriféraires du folklore de clamer haut, et peut-être un peu trop fort, que celui-ci n'est pas dans une mauvaise déclivité.